Collectif pour l'arrêt
du déploiement de la 5G
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Communiqué du 20 septembre 2024
(1 A4 recto verso)En ce début de mois de septembre, de très nombreux médias en Belgique et partout dans le monde ont fait état d’une étude commanditée par le projet CEM (champs électromagnétiques) de l’OMS[I] selon laquelle « il n’y a pas de lien entre l’utilisation des téléphones portables et le cancer » (Le Soir du 9 septembre), ou encore « l’utilisation du téléphone portable n’augmente pas les risques de cancer du cerveau » (Euronews, le 4 septembre). De l’autre côté de la Manche, on n’est pas en reste : « Les téléphones portables ne sont pas liés au cancer du cerveau, selon la plus grande étude réalisée à ce jour » (The Guardian, le 4 septembre) et de même, aux antipodes, le très populaire Sydney Morning Herald, annonce que la science s’est prononcée avec certitude : « Non, votre téléphone portable ne vous donne pas le cancer du cerveau » (le 4 septembre). Le coup d’envoi de ce qu’il faut bien considérer comme une campagne de presse soigneusement orchestrée a été donné par l’auteur principal de l’étude, Ken Karipidis, avec la publication d’un résumé de l’étude placé le 3 septembre sur le site d’information en ligne multilingue The Conversation[II] et titré : « Les téléphones portables ne sont pas liés au cancer du cerveau, selon une analyse approfondie de 28 années de recherche ».
Cependant, il existe d’autres études dont les conclusions sont beaucoup plus inquiétantes ; aucune d’entre elles ne semble avoir été mentionnée par les médias concernés, y compris les trois suivantes :
- Dans une méta-étude réalisée en 2020 et portant sur 46 études de cas-témoins, Joel M. Moskowitz, un directeur de l’École de santé publique de l’université de Californie à Berkeley, et ses collègues chercheurs coréens, ont « trouvé des preuves significatives liant l’utilisation du téléphone cellulaire à un risque accru de tumeur, en particulier chez les utilisateurs de téléphone cellulaire ayant cumulé 1000 heures ou plus d’utilisation au cours de leur vie (ce qui correspond à environ 17 minutes par jour sur 10 ans)».[III]
- De 1999 à 2018, toujours aux États-Unis, le National Toxicology Program (NTP) a mené une étude qui a coûté 30 millions de dollars et qui démontre clairement l’existence d’un lien de causalité entre le cancer et l’exposition aux signaux des téléphones mobiles : les rayonnements des téléphones 2G et 3G provoquaient des cancers des cellules de Schwann du cœur et des gliomes cérébraux[IV] chez les rats, des lésions de l’ADN dans les cellules cérébrales et une réduction du poids à la naissance.[V]
- En 2018, l’Institut Ramazzini a publié une étude dans laquelle 2448 rats ont été exposés à vie afin d’évaluer les effets cancérogènes des champs électromagnétiques de radiofréquence (CEM-RF) équivalents à l’exposition usuelle aux antennes GSM à 1,8 GHz. Conclusion principale : une augmentation de l’incidence des tumeurs cérébrales et cardiaques chez les rats exposés, en fait des tumeurs similaires à celles de l’étude du National Toxicology Program.[VI]
Pour démêler le vrai du faux, il est clairement nécessaire de s’intéresser aux auteurs de ces études. La qualité des trois études ci-dessus n’est pas en cause et il est impossible de trouver quoi que ce soit à redire sur leurs auteurs en ceci qu’ils n’ont pas de conflits d’intérêts et présentent des profils de chercheurs exemplaires.
Par contre, il y aurait plus à redire sur Ken Karipidis et ses coauteurs qui ont des liens étroits avec l’ICNIRP[VII] (International Commission on Non-Ionizing Radiation), la Commission internationale sur la protection des radiations non ionisantes, une institution de droit allemand qui fonctionne comme un club privé et établit des recommandations en matière de protection des CEM. Celles-ci sont adoptées telles quelles ou à peu près par l’OMS, l’UE, tous les pays européens et d’autres, à la plus grande satisfaction de l’industrie des télécommunications sans fil.[VIII] En effet, le credo de l’ICNIRP est que toute atteinte à la santé par les CEM ne peut résulter que d’un effet thermique. En conséquence, les seuils de protection ne sont établis que pour limiter l’échauffement des tissus, sans prendre en considération tout autre effet (non thermique), ce qui va pourtant à l’encontre des résultats de la recherche menée depuis plus de 50 ans, mais aussi tout simplement du bon sens : est-il raisonnable de penser qu’il est sans danger de saturer notre environnement de CEM-RF artificiels qui sont des milliards de fois plus intenses[IX] que les CEM-RF naturels ?
À l’origine de la création de l’ICNIRP et du projet CEM de l’OMS dans les années 1990, on retrouve les mêmes personnes, à commencer par Michael Repacholi, un scientifique australien. Les critiques à l’égard de ces deux entités ne datent pas d’aujourd’hui, comme en témoignent les quelques enquêtes collectées ici : electrosmog.be/#ICNIRP. Trois exemples parmi d’autres :
- « Or les détracteurs de M. Repacholi lui reprochent d’avoir systématiquement évacué ou minimisé les études “dérangeantes” pour l’industrie, impliqué celle-ci dans le processus de décision, écarté des scientifiques de renom des groupes d’experts réunis par ses soins à l’OMS, mais aussi d’avoir été très timoré dans ses recommandations de santé publique et d’avoir fait financer “son” projet CEM en grande partie par les industriels de la téléphonie mobile. En caricaturant à peine, l’homme est accusé, ni plus ni moins, d’avoir pédalé pendant dix ans pour l’industrie» (David Leloup, janvier 2007).
- Plus récemment, un groupe de journalistes européens a enquêté sur l’ICNIRP elle-même : « Des scientifiques tirent la sonnette d’alarme quant aux risques pour la santé causés par les rayonnements de la technologie mobile. Sans fondement, assurent la plupart des autorités chargées de la sécurité des rayonnements. Celles-ci prennent l’avis d’un petit cercle d’initiés [l’ICNIRP] qui rejettent les recherches alarmantes et fixent les limites de sécurité» (Investigate Europe, janvier 2019).
- Et cet extrait d’un rapport accablant, rédigé par deux députés européens : « Pour un avis scientifique réellement indépendant, nous ne pouvons pas et nous ne devons pas nous fier à l’ICNIRP. La Commission européenne et les gouvernements nationaux de pays comme l’Allemagne devraient cesser de financer l’ICNIRP» (Klaus Buchner et Michèle Rivasi, 2020).
Ken Karipidis ne recule pas devant le mensonge pour maintenir le public dans l’ignorance. Ainsi il nie l’augmentation des tumeurs cérébrales : « Même si l’utilisation des téléphones portables a explosé, les taux de tumeurs cérébrales sont restés stables »[X]. Il emboite ainsi le pas à Eric van Rongen, le vice-président de l’ICNIRP quelques années auparavant, qui déclarait au micro de Benoit Feyt, journaliste à la RTBF : « Nous n’observons d’ailleurs aucune augmentation du nombre de cancers depuis que la téléphonie mobile existe »[XI]. Plusieurs études montrent le contraire, et ce pour différents types de tumeur, comme le signale l’Agence française de santé publique en 2019 : « Entre 1990 et 2018, multiplication par 4 et plus du glioblastome », une tumeur du cerveau très agressive.[XII]
Karipidis fait donc partie de ces scientifiques corrompus par les firmes industrielles, et peut être rangé parmi ces mercenaires prêts à tout pour alimenter la fabrique du doute et de l’ignorance, pour satisfaire leurs maîtres et gagner leurs faveurs. Il n’en est pas à son coup d’essai : fin 2018, Karipidis avait déjà publié une étude à propos de l’incidence des tumeurs cérébrales en Australie liées à l’utilisation du téléphone mobile, cosignée notamment avec Rodney J. Croft qui, à l’époque, était le président de l’ICNIRP.[XIII] Dans cette étude, Karipidis n’avait pas hésité à exclure de ses statistiques les Australiens âgés de plus de 59 ans, soit évidemment la tranche de la population la plus atteinte par les tumeurs cérébrales. Dans ces conditions, l’étude ne pouvait conclure qu’à l’absence de risques, ce qui a permis à l’ARPANSA de titrer un communiqué de presse comme suit : « Une nouvelle étude australienne ne trouve aucun lien entre l’utilisation des téléphones portables et les cancers du cerveau ».[XIV] Ce fait d’armes a valu à Karipidis d’être nommé commissaire de l’ICNIRP quelques mois plus tard.
Avec cette nouvelle « étude » réalisée à la demande de l’OMS qui savait ce qu’elle faisait en s’adressant à Ken Karipidis, c’est-à-dire à l’ICNIRP, on assiste à une nième tentative de clore le débat sur les effets délétères des radiations électromagnétiques de la téléphonie mobile : pas question de laisser entrevoir ces radiations pour ce qu’elles sont, une des pollutions industrielles emblématiques et désastreuses, aux côtés de l’amiante, du tabac, de la radioactivité, du plomb, des pesticides et des plastiques.
Francis Leboutte
Porte-parole du Collectif stop5G.be
Lectures complémentaires :
- À propos de l’étude de l’OMS, en anglais :
- Old Wine in New Bottles
Decoding New WHO–ICNIRP Cancer Review. Game Over? Likely Not.
Louis Slesin (Microwave News).- Biased WHO-commissioned review claims no cancer link to cellphone use
Joel M. Moskowitz, Ph.D.- La science asservie. Santé publique : les collusions mortifères entre industriels et chercheurs. Annie Thebaud-Mony. La Découverte, 2014, 224 pages.
Annie Thébaud-Mony est sociologue, directrice de recherches honoraire à l’Inserm.
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[I] The effect of exposure to radiofrequency fields on cancer risk in the general and working population: A systematic review of human observational studies. Ken Karipidis et autres. Août 2024, doi.org/10.1016/j.envint.2024.108983. Contrairement à ce que laisse entendre son titre, il s’agit d’une méta-étude pour laquelle les auteurs ont sélectionné 63 études publiées entre 1994 et 2022, parmi plus de 5000, pour « les inclure dans l’analyse finale ».[II] theconversation.com/mobile-phones-are-not-linked-to-brain-cancer-according-to-a-major-review-of-28-years-of-research-237882
[III] Cellular Phone Use and Risk of Tumors: Systematic Review and Meta-Analysis. doi.org/10.3390/ijerph17218079
[IV] Le gliome est un type de tumeur bénigne ou maligne qui se développe dans les cellules gliales du cerveau ou de la moelle épinière.
[V] Le NTP est un programme du ministère étasunien de la Santé. L’« Étude NTP » : ntp.niehs.nih.gov/whatwestudy/topics/cellphones
[VI] www.ramazzini.org. L’étude : sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013935118300367
[VII] Ken Karipidis est le vice-président de l’ICNIRP. Le 2e auteur, Dan Baaken, est le secrétaire scientifique de l’ICNIRP. Tous deux sont membres du CA de l’ICNIRP et travaillent pour l’industrie nucléaire. En effet, Karipidis est directeur adjoint de l’Agence australienne de sûreté nucléaire (ARPANSA) et Dan Baaken de l’Office allemand de radioprotection (BfS), le principal sponsor de l’ICNIRP. Martin Röösli, un autre des 11 auteurs de l’étude, a été membre de l’ICNIRP pendant 8 ans. Maria Feychting a été membre et vice-présidente, ce qui l’a occupée pendant 20 ans à l’ICNIRP ; elle n’est pas une des auteurs de l’étude, mais est coauteure du protocole de l’étude publié préalablement (doi.org/10.1016/j.envint.2021.106828. Le résumé de l’étude a été rédigé par Ken Karipidis et Sarah Loughran qui elle aussi a travaillé pour l’ICNIRP, comme conseillère scientifique.
[VIII] Voir les limites de protection des CEM : electrosmog.be/limites-de-protection
[IX] Voir l’évolution de la pollution électromagnétique par les CEM-RF : electrosmog.be/evolution-CEM-RF
[X] Cité par TFIINFO le 4 septembre 2024 dans cet article : « Le téléphone portable n’augmente pas le risque de cancer du cerveau, affirme la plus grande étude réalisée jusqu’ici ». tf1info.fr/sante/oms-sante-le-telephone-portable-n-augmente-pas-le-risque-de-cancer-du-cerveau-affirme-la-plus-grande-etude-realisee-jusqu-ici-2317901.html
[XI] 5G, tous des cobayes ? Par Benoît Feyt, 2020, 37 minutes. auvio.rtbf.be/media/investigation-investigation-3078931
[XII] Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018, page 316. santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers/cancer-du-sein/documents/rapport-synthese/estimations-nationales-de-l-incidence-et-de-la-mortalite-par-cancer-en-france-metropolitaine-entre-1990-et-2018-volume-1-tumeurs-solides-etud
[XIII] Mobile phone use and incidence of brain tumour histological types, grading or anatomical location: a population-based ecological study. Ken Karipidis et autres.bmjopen.bmj.com/content/8/12/e024489
[XIV] Le communiqué de l’ARPANSA : New Australian study finds no link between mobile phone use and brain cancers.
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Les archives des lettres et des communiqués du Collectif : stop5g.be/fr/lettre
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